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Pour un adversaire résolu de la réforme de 2000 faisant dépendre les élections législatives de la présidentielle, le scrutin de 2022 fut une divine surprise. Enfin, un président de la République privé de majorité parlementaire. On pouvait espérer que le Parlement reprît ses droits. C’était compter sans les travers de l’actuelle classe politicienne française : incompétence, paresse, pusillanimité, cynisme, duplicité, inculture, cupidité. Toutes qualités propres à des degrés divers aux différentes formations politiques sans négliger l’incroyable et perpétuelle intolérance de la gauche, dans laquelle il faut, naturellement, inclure la minorité soutenant un gouvernement qui n’a rien perdu de son autoritarisme arrogant.

Avant que le débat sur la prétendue réforme des retraites ne les fasse apparaître de façon flagrante dans tout le spectre politique, les huit premiers mois du gouvernement Borne nous en avaient fourni un large aperçu puisqu’il est toujours en place après… douze motions de censure alors qu’il n’est censé disposer du soutien que de 250 députés sur 577. Clairement, il n’y a pas d’opposition au Parlement, à l’exception peut-être du groupe RN qui a voté la plupart des motions déposées par la nupes. Mais celle-ci refuse systématiquement de voter la censure déposée par celui-là, servant de complice idéal du gouvernement. Inutile de parler du groupe LR qui, lui, est clairement dans la majorité. Il n’a pas déposé la moindre motion de censure, pas un seul de ses élus n’en a voté une seule, a approuvé de facto la loi de finances avant que le patron du parti ne démette de ses fonctions le député qui menait la fronde contre le gouvernement. Avec une opposition comme celle-ci, le gouvernement n’a pas besoin de majorité.

Depuis l’origine, la nupes qui avait promis de faire du Parlement une ZAD, a tenu parole et démontre, chaque jour, que la démocratie est le dernier de ses soucis, s’appuyant pour ce faire sur le gouvernement. Celui-ci l’accuse, en effet, d’obstruction pour cause de myriades d’amendements. Mais le premier obstructeur est le gouvernement Borne qui a procédé à un coup de force sans la moindre réaction des prétendues oppositions en général et de la nupes en particulier. La réforme Sarkozy qui n’est pas le moindre des dégâts commis par ce président, avait introduit un article 47.1 en 2008, consacré aux projets de loi de financement de la sécurité sociale. Dans son second alinéa, cet article stipule que « Si l’Assemblée nationale ne s’est pas prononcée en première lecture dans le délai de vingt jours après le dépôt d’un projet, le Gouvernement saisit le Sénat qui doit statuer dans un délai de quinze jours. Il est ensuite procédé dans les conditions prévues à l’article 45 (relatif au vote des textes par les deux assemblées). Si le Parlement ne s’est pas prononcé dans un délai de cinquante jours, les dispositions du projet peuvent être mises en œuvre par ordonnance ». Selon le gouvernement Borne et toutes les oppositions réunies, la réforme des retraites n’est qu’une simple loi annuelle de financement de la sécurité sociale. Dans ce cas, pourquoi un tel chaos dans la France entière ?

Pour toutes les qualités de nos politiciens énumérées plus haut :

Commençons par l’orchestrateur apparent de ce chaos, la nupes. Depuis Robespierre, on sait qu’il n’est de démocratie pour ces gens-là qu’à condition qu’on pense comme eux. Mélenchon et ses troupes ne raisonnent qu’en termes insurrectionnels et ne s’en cachent même pas. Pas une seule fois, ils n’ont essayé de se trouver des alliés dans toutes les oppositions pour obtenir une majorité, potentiellement de 327 voix contre 250, contre la réforme. Ils ont même refusé de voter une censure déposée par le RN, identique au mot près, à leur propre censure. Ils répètent, en revanche, à qui veut les entendre que le gouvernement doit retirer son texte sous la pression de la rue. On a donc un condensé de duplicité, de cynisme et d’intolérance.

Mais ils ne sont que les orchestrateurs apparents du chaos, alors que son véritable auteur est le gouvernement. Le recours à l’article 47.1 pour une réforme présentée comme essentielle signe son incompétence puisqu’il est incapable de convaincre de son utilité, mais aussi sa duplicité et son cynisme, en se faisant le complice de la nupes dans un jeu de rôles réglé comme une horloge comtoise. L’extrême-gauche fait semblant d’obstruer, mais en limitant la durée des débats dans le cadre de la procédure choisie, le gouvernement lui a simplifié singulièrement la tâche. Le jeu de rôle est même plus profond puisque la nupes comme le gouvernement en font l’événement majeur du quinquennat alors que ce projet est vide et ne résoudra en aucune façon le lourd problème du financement des retraites sur lequel il faudra revenir avant même un quinquennat.

Et c’est là que débarquent les soi-disant opposants LR. Eux cumulent à peu près tous les défauts. Faute d’avoir travaillé depuis onze ans qu’ils sont éloignés du pouvoir, ils sont incapables de présenter une réforme des retraites dans le cadre d’un vrai projet de redressement de l’économie française. Ce n’est qu’en ayant une vue d’ensemble de l’état réel de la France qu’une telle réforme pourra être efficace et pérenne. La paresse rejoint l’incompétence et l’inculture sans préjudice de cynisme et de duplicité lorsqu’ils persistent à se dire de droite et dans l’opposition alors qu’ils n’ont même pas déposé une motion de censure pour rejeter le budget et n’en ont voté aucune. La raison profonde en sont leur pusillanimité et leur cupidité parce qu’ils sont terrorisés à l’idée d’une dissolution qui leur ferait perdre leur mandat et les avantages y afférents.

On ne saurait mieux dire que ces députés ont peur des électeurs. Et les sondages viennent affirmer, ensuite, que c’est Marine Le Pen et le RN qui tirent profit de cette situation. Ils auraient tort de s’en réjouir trop tôt. Parce que le RN n’a pas travaillé davantage que les autres, ses propositions sur les retraites sont une copie de celles de l’extrême-gauche comme en témoigne son silence durant les débats et il se complaît dans le rôle de victime d’ostracisme de la part des autres formations. C’est un fait. Mais, tout aussi arrogant que les macronistes, le RN a toujours refusé des alliances qui lui auraient permis de faire élire au moins le double de députés.

Le tableau est consternant : un Parlement qui ne sert rigoureusement à rien alors qu’il dispose de tous les outils d’une puissance incomparable en 65 ans de Ve République, devant un gouvernement nettement minoritaire. Face à cette tragique faillite de la démocratie représentative, la démocratie directe est la seule voie envisageable. D’autant que se profile une nouvelle attaque contre la démocratie, qui, décidément, n’est pas dans les gênes du macronisme : les élucubrations d’une dénommée convention citoyenne sur la fin de la vie qui proposera de légaliser l’euthanasie. Le peuple de France n’a aucune raison de faire davantage confiance sur ce point comme sur tous les autres, à un Parlement qui vient de dégager une majorité en faveur de l’inscription de l’avortement dans le marbre de la loi fondamentale au seul prétexte que… la Cour Suprême des États-Unis a rendu au législateur le droit de statuer sur cette question. Seul le peuple pourra hurler “Au fou !”

Tarick Dali